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Préface de Christine Lagarde

Directrice générale du Fonds monétaire international

Photo de Christine Lagarde

Je me souviens du moment précis de ma vie où j’ai décidé, comme dit Sheryl Sandberg, de « lean in », de m’imposer.

Adolescente, l’idée ne m’avait jamais traversé l’esprit. En tout cas, pas de façon consciente. J’ai grandi avec trois frères et des parents formidables, et qui m’ont toujours soutenue. Ces derniers étaient l’un et l’autre des modèles à mes yeux, et m’ont toujours laissée choisir mon destin. Je ne me suis jamais demandé si « je devais » ou si « je ne devais pas » faire telle ou telle chose parce que j’étais une femme.

Mes parents m’ont toujours encouragée à donner le meilleur de moi même, comme ils l’ont fait pour mes frères. J’ai ainsi eu le pouvoir de décider pour et par moi même. Je me suis efforcée de me surpasser dans tout ce que j’ai entrepris, que ce soit pour rejoindre l’équipe de France de natation synchronisée, pour partir étudier à l’étranger à dix sept ans puis traverser seule les États Unis et le Mexique à vingt ans, ou encore me lancer dans des études de droit et de sciences politiques. À aucun moment il ne m’est venu à l’esprit de ne pas essayer.

Pourtant, lorsque j’ai postulé dans des cabinets d’avocats, les obstacles que rencontrent les femmes sont devenus une évidence. Je me souviens en particulier d’un entretien dans l’un des plus grands cabinets parisiens, au cours duquel mon interlocuteur m’a clairement fait comprendre que, en tant que collaboratrice, j’étais la bienvenue, mais pas comme femme, et que je ne deviendrais bien sûr jamais associée. Ce fut pour moi une révélation. C’est à ce moment précis que j’ai pris la décision délibérée de m’imposer. Je l’ai remercié, je me suis levée et je suis partie. J’avais autant le droit d’aspirer à devenir associée – ou quoi que ce soit d’ailleurs – que n’importe quelle autre personne. Homme ou femme.

Les histoires que Sheryl relate dans son livre nous conjurent de faire davantage pour aider toutes les femmes à exercer leurs droits. Il est certes important que chaque femme ait le pouvoir de s’affirmer, mais cela ne doit pas se résumer à un combat individuel. Il s’agit de changer les choses pour toutes les femmes. Sheryl défend ce point de vue avec conviction, en nous invitant à œuvrer toutes et tous ensemble afin de parvenir à l’égalité : « Plus il y aura des femmes à s’entraider, plus nous aiderons notre cause. » Ce livre témoigne, et participe, de la nécessité d’élargir considérablement le débat sur ce qu’il faut faire pour abattre les principaux obstacles systémiques auxquels se heurtent les femmes que ce soit dans leur vie professionnelle, dans l’accès aux postes à responsabilité ou, plus généralement, dans la société.

Les femmes ne souhaitent pas toutes devenir dirigeantes ou gravir les échelons professionnels. Et c’est tout à fait légitime. L’essentiel est de pouvoir choisir. Cela dit, il est important d’avoir des femmes aux postes de pouvoir, car elles aident à faire progresser le débat et à créer une dynamique qui « garantira un traitement plus juste à l’ensemble des femmes ».

En qualité de directrice générale du Fonds monétaire international, j’ai eu, au fil de mes déplacements, le privilège de rencontrer de nombreuses femmes extraordinaires, aux parcours les plus variés. Certaines souhaitent réussir dans le secteur privé ou dans le monde universitaire. D’autres sont actives dans des organisations non gouvernementales ou militent dans la société civile pour essayer de la construire sur de nouvelles bases. D’autres encore sont des mères de famille ou de jeunes femmes soucieuses de s’entraider, de veiller mutuellement à leur sécurité ou à leur droit à l’éducation.

Elles occupent quotidiennement mes pensées. Comme Sheryl, lorsqu’elle évoque la trajectoire de Leymah Gbowee, je suis convaincue que plus il y aura de femmes au pouvoir, mieux elles aideront celles qui continuent à se battre pour les droits humains les plus fondamentaux. Que pouvons nous faire pour que la vie des femmes de tous horizons puisse véritablement changer ?

Pour les femmes qui deviennent des leaders, quoi de plus exaltant que de pouvoir inspirer et accompagner d’autres femmes ? Ni Sheryl ni moi même ne serions là où nous sommes aujourd’hui sans les femmes qui nous ont précédées, sans celles qui nous ont tendu la main, ou nous ont inspirées. Ma mère, puis ma première « patronne », ont exercé sur moi une grande influence. Elles m’ont montré combien une femme confiante pouvait être forte et oser être exigeante.

Cela dit, ce sont les actes qui comptent. Comme Sheryl l’écrit, « il suffirait que les instances qui nous gouvernent décrètent un changement de politique pour que celui ci ait lieu ». Nous pouvons agir de manière décisive pour les femmes qui nous entourent et pour les générations à venir.

Comme Sheryl, après la naissance de mes fils, encore jeune associée, j’ai changé mes horaires, ne travaillant plus le mercredi après midi. J’ai connu le cynisme et le scepticisme de certains associés de mon cabinet d’avocat. Mais si c’était important pour moi et pour mes fils, il était encore plus important pour les autres avocates de constater que ce que je faisais était « okay » et qu’elles aussi pouvaient en faire autant.

Nous devons « oser la différence ». Mais à cela s’ajoute une responsabilité collective plus vaste de changer le monde du travail et, à certains égards, de changer les attentes de notre société. Ce changement systémique ne peut se produire que lorsque hommes et femmes s’asseyent à la même table.

La diversité apporte un regard différent sur le monde, un mode analytique original, et des solutions nouvelles. Une réelle valeur ajoutée. Les femmes ne doivent donc pas craindre de se comporter différemment. Notre objectif doit être de créer un environnement où elles sont respectées, appréciées, estimées en raison de l’originalité de leurs choix et ce, en toute sécurité.

Chacun suit son chemin dans la vie, mais tous ces chemins doivent avoir en commun de nous en laisser à tous, hommes et femmes, le choix.